Deux vers, quatre mesures ont suffi. J'ai reconnu la façon de Gilles, une façon qui ne ressemble à aucune autre. Car Gilles ne doit rien à personne si ce n'est à cette foule anonyme de poètes et de musiciens qui ont accouché nos chansons populaires.

Gilles c'est Pierrot et Pierrot c'est "Au clair de la lune".

Les marins de Gilles ce sont ceux du "Trente et un du mois d'août". Un lien subtil et profond unit "La bourrée du diable" aux airs à danses médiévaux.

Pourtant aucun chansonnier plus que Gilles ne vit près de son époque. Son petit œil rond ne se perd pas dans les brumes du passé. Ses personnages ne retardent pas d'une ou deux guerres. Ses filles ne sont pas des gigolettes, ce sont des travailleuses qui font la rue Caumartin. Quand Gilles vous offre un verre de blanc – tous les Vaudois aiment le vin blanc – vous pouvez le vider d'un trait. C'est du vin de l'année.

H.-G. Clouzot
(in dos de couverture du LP Philips "Gilles et Urfer, Récital No 1"